Toucher du bois : Voici d’où vient cette expression

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Dans la langue française, les expressions idiomatiques sont une véritable source de richesse et d’énigmes.

Parmi elles, l’expression « toucher du bois » est l’une des plus couramment utilisées.

Elle est employée comme porte-bonheur, pour conjurer le mauvais sort ou simplement pour exprimer un souhait.

Mais d’où vient cette expression et quelles sont les raisons qui ont conduit à associer le bois à la chance et à la protection ?

Cet article se propose de répondre à ces questions en explorant les différentes origines et significations de cette expression, ainsi que son évolution au fil des siècles.

Nous verrons comment cette expression s’inscrit dans un contexte culturel et historique plus large et comment elle témoigne d’une relation particulière entre l’homme et la nature.

L’origine de l’expression « toucher du bois »

Avant de plonger dans les différentes explications qui ont été avancées pour expliquer l’origine de l’expression « toucher du bois », il convient de rappeler que cette expression est utilisée dans d’autres langues et cultures.

En anglais, on dit « knock on wood » ; en italien, « toccare ferro » (toucher du fer) ; en espagnol, « tocar madera » (toucher du bois). Ces différents exemples montrent que l’idée de conjurer le mauvais sort en touchant un objet (bois, fer) est une pratique largement répandue.

Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer l’origine de cette expression, dont certaines remontent à des périodes reculées de l’histoire. Parmi celles-ci, on peut notamment citer :

  1. L’antiquité gréco-romaine : le bois était déjà associé à la chance et à la protection dans les civilisations antiques. Les Grecs et les Romains avaient pour habitude de toucher les arbres sacrés pour invoquer la protection des dieux. Le chêne, par exemple, était consacré à Zeus/Jupiter, tandis que le laurier était l’arbre d’Apollon. De plus, les théâtres antiques étaient construits en bois, et les acteurs touchaient les poutres de la scène pour s’assurer une bonne représentation.
  2. Le christianisme : dans la religion chrétienne, le bois a une signification particulière en raison de la croix sur laquelle Jésus a été crucifié. Toucher du bois pourrait ainsi être une manière de se placer sous la protection de la croix et de conjurer le mauvais sort. Cette explication est renforcée par le fait que, dans certaines régions, l’expression « toucher du bois » est remplacée par « toucher la croix ».
  3. Les superstitions populaires : dans les campagnes européennes, le bois était souvent considéré comme possédant des vertus protectrices. On croyait notamment que les arbres étaient habités par des esprits bénéfiques (dryades, fées, lutins) qui pouvaient aider et protéger les humains. Toucher du bois serait donc une manière d’invoquer leur assistance pour éloigner le mauvais sort.

Le bois comme matériau symbolique et protecteur

Quelle que soit l’origine exacte de l’expression « toucher du bois », il est indéniable que le bois a toujours été un matériau symbolique et chargé de sens.

Dans de nombreuses cultures et traditions, le bois est perçu comme un élément protecteur et bienveillant, qui incarne la force vitale de la nature. Cette perception du bois est étroitement liée à l’arbre, qui est souvent considéré comme un symbole de vie, de renouvellement et d’immortalité.

Plusieurs éléments peuvent expliquer pourquoi le bois a acquis cette symbolique protectrice :

  • La force et la longévité des arbres: les arbres sont des organismes vivants qui peuvent vivre plusieurs siècles, voire millénaires pour certaines espèces. Ils sont capables de résister aux intempéries et aux agressions extérieures, et représentent ainsi un symbole de force et de stabilité.
  • La place des arbres dans les croyances religieuses : de nombreuses religions et mythologies accordent une place privilégiée aux arbres, qui sont souvent considérés comme sacrés ou habités par des divinités. Dans la Bible, l’Arbre de la Connaissance du Bien et du Mal et l’Arbre de Vie sont des éléments centraux du récit de la création. Dans la mythologie nordique, l’arbre Yggdrasil soutient les neuf mondes et relie les dieux aux hommes.
  • Le rôle du bois dans la vie quotidienne : pendant des siècles, le bois a été un matériau essentiel pour la construction des habitations, des outils et des objets du quotidien. Il était omniprésent dans la vie des hommes, qui tiraient de lui chaleur, protection et nourriture.

Les différentes formes de l’expression « toucher du bois » à travers le temps et l’espace

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’expression « toucher du bois » n’est pas propre à la langue française et se retrouve dans de nombreuses autres langues et cultures.

Cependant, les formes que prend cette expression varient en fonction des contextes historiques, géographiques et culturels. Voici quelques exemples de variantes de cette expression :

  • En Angleterre, l’expression « knock on wood » est apparue au début du XXe siècle, en remplacement de l’expression plus ancienne « touch wood ». On pense que cette évolution est liée à l’influence des immigrants irlandais, qui avaient pour habitude de frapper les poutres de bois pour conjurer le mauvais sort.
  • En Allemagne, on dit « Holz anfassen » (toucher du bois) ou « Daumen drücken » (presser les pouces). Cette dernière expression est intéressante, car elle montre que l’idée de protection et de porte-bonheur peut être associée à d’autres objets ou gestes que le simple fait de toucher du bois.
  • En Russie, l’expression « тук-тук по дереву » (toc-toc sur le bois) est souvent accompagnée du geste de frapper légèrement du poing sur une surface en bois. Cette variante montre que l’action de frapper ou de taper sur le bois est parfois plus importante que celle de simplement le toucher.

Ces exemples montrent que, même si l’expression « toucher du bois » est universelle, sa signification et sa forme peuvent varier en fonction des contextes culturels et des croyances associées au bois et à la protection.

Toucher du bois aujourd’hui : entre tradition et modernité

Aujourd’hui, l’expression « toucher du bois » est encore largement utilisée, bien que les croyances et les superstitions qui lui sont associées aient perdu de leur importance.

Dans la culture populaire, cette expression est souvent employée de manière humoristique ou ironique, pour marquer une certaine distance vis-à-vis des anciennes croyances.

Néanmoins, l’expression « toucher du bois » témoigne d’une certaine nostalgie et d’un attachement aux traditions et aux symboles qui ont façonné notre histoire et notre imaginaire. Le fait de toucher du bois, même de manière inconsciente ou automatique, peut être perçu comme un geste rassurant et apaisant, qui nous relie à nos racines et à notre environnement naturel.

Enfin, il est intéressant de noter que l’expression « toucher du bois » a donné lieu à des créations artistiques et littéraires, qui interrogent notre rapport au passé, à la nature et à la chance. Parmi celles-ci, on peut citer le roman « Toucher du bois » de Valérie Tong Cuong, qui explore le thème de la superstition et de la croyance à travers le destincroisé de plusieurs personnages, ou encore la chanson « Touch Wood » du groupe britannique The Stranglers, qui évoque la fragilité de la vie et l’importance de la chance dans nos existences.

En somme, l’expression « toucher du bois » est bien plus qu’une simple formule superstitieuse ou un geste porte-bonheur. Elle témoigne d’une longue histoire et d’une symbolique riche, qui traverse les siècles et les cultures. Le bois, en tant que matériau naturel et protecteur, incarne une relation particulière entre l’homme et la nature, entre le sacré et le profane, entre la chance et la fatalité.

A travers les différentes formes et significations de cette expression, on peut entrevoir les traces d’un passé lointain, où les arbres et les forêts étaient l’objet de croyances et de rites, et où le bois était considéré comme un élément essentiel à la survie et au bien-être des hommes. Aujourd’hui encore, « toucher du bois » nous rappelle que nous sommes les héritiers d’une histoire et d’une culture qui ont façonné notre rapport au monde et à nous-mêmes.

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